« Le Wedding arrive : et ce depuis des années ». C’est une blague bien connue des Berlinois sur la prétendue lutte d’un quartier pour en arracher un autre au rang de quartier le plus branché de la ville. Mais le Wedding, j’ai pu le constater en prenant le chemin du nord de Berlin le 21 juin, est bel et bien venu – du moins dans les jardins du Centre Français de Berlin, pour y célébrer joyeusement la « Fête de la Musique » 2022 dès la fin de l’après-midi. Sur un terrain transformé comme par magie en un paysage de festival imprégné de l’odeur des merguez et des crêpes au gruyère, un public de toutes les couleurs s’est rencontré, les styles se sont mélangés (style hipster berlinois et latin-chic de quartier) et les générations se sont rencontrées. Les enfants de l’école primaire ont été poussés par leurs parents yolos avec des vibrations positives au stand de rugby et au chamboule-tout. Et la « génération pépère », venue de Paris en visite, s’est retrouvée en bermuda et mocassins de cuir sur les bancs de bière du jardin partagé, à côté du bar, et a philosophé sur l’esprit de 68, qui s’est tout de même perpétué à Berlin d’une certaine manière depuis le début de l’ère européenne des raves dans les années 90.
Il faut encore dire un mot sur le lieu lui-même : Le bâtiment de style moderne d’après-guerre ressemble de l’extérieur à la moitié d’une « plaque » berlinoise, tandis qu’à l’intérieur, on pourrait facilement refaire un film classique futuriste de Truffaut. Un lieu où l’on s’attarde volontiers, ne serait-ce que pour sa beauté, une fois que l’on s’est résolu à y entrer. Alors qu’à l’époque de la guerre froide, il servait encore de centre culturel pour les membres des forces armées françaises, le bâtiment rénové remplit depuis 1994 plusieurs rôles en tant que lieu de rencontres franco-allemandes : lieu de manifestations franco-allemandes, hébergement pour les personnes françaises en échange (hôtel/auberge), suivi et conseil sur le « Programme Voltaire », lieu de formation continue et d’échange de spécialistes, lieu de rencontre pour les jeunes français·es et allemand·es, lieu d’ateliers avec des offres pour les classes scolaires, lieu d’organisation du « Tandem Paris-Berlin », etc. Ah oui, un bijou de cinéma (« City Kino Wedding ») s’y trouve également. Le tout est soutenu par les associés CEI (France) et la SPI-Stiftung (Allemagne) en coopération avec l’administration du Sénat de Berlin et l’OFAJ. En fin de compte, le Centre Français de Berlin semble être « the place to be » pour les professeur·es de français et tous·tes ceux/celles qui ont ou veulent avoir quelque chose à voir avec la France, qui vivent à Berlin – ou qui y sont simplement de passage.
Et puis il y a la Tour Eiffel : La réplique de l’original parisien, haute d’une dizaine de mètres, trône de manière imposante au bord du jardin et montre clairement qu’à Berlin, le chemin vers la France culturelle passe par la Müllerstraße. Ce soir-là, elle se dressait dans le ciel nocturne qui ne s’assombrissait pas à l’autre bout de la scène et la line-up d’artistes allemand·es et français·es [« Bronwyn » (auteure-compositrice-interprète), « Jon Moon » (reggea) « GRaNDE » (rock-folk, guitare et violon), « Afar » (ambient/électro) et « Berlin Brass Caravan » (combo de ska-jazz balkanique)] assurait une musique de plus en plus dansante. Et si l’on était bien silencieux·es, on a même cru entendre la voix de Joel Cohen chuchoter : Ouais, le Wedding est venu pour célébrer la Fête de la Musique !
(J.v. Hammerstein)
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